Généalogie en Pologne
Krok po kroku... Pas à pas.... C’est selon moi la meilleure démarche à adopter pour une enquête généalogique en Pologne. Si en France, la qualité et l’accessibilité des sources permettent de se lancer tête baissée dans une recherche de grande envergure, la recherche généalogique en Pologne présente des spécificités qui nécessitent d’avancer pas à pas (krok po kroku en polonais). Quelles sont ces spécificités ? Voici selon moi les plus importantes...
Des sources éparpillées
Il faut savoir que les archives ne sont pas centralisées. On trouve des documents concernant le territoire polonais en Pologne, mais aussi en Allemagne, en Autriche, en Ukraine, en Russie et en Lituanie. Et même en ce qui concerne les archives conservées en Pologne, les multiples partages, déplacements de frontières et redécoupements des régions ont entrainé un éparpillement des sources, ne suivant pas toujours un ordre logique. Une bonne connaissance des sources et des institutions archivistiques me semble importante pour espérer mener les recherches à bien.
Par ailleurs, tout l’état-civil n’est pas public en Pologne: une partie importante est la propriété de l’Église catholique et aucune loi ne l’oblige à le rendre accessible. L’accès à ces documents dépend de la politique menée par le diocèse — ou parfois du bon vouloir du curé local: toute la difficulté va alors être de défendre sa démarche et de créer une relation de confiance avec lui. C’est quelquefois l’objet de longues négociations en amont avant d’obtenir un feu vert. Faire appel à un professionnel expérimenté peut permettre d’éviter de se voir fermer définitivement les portes d’un presbytère recélant des sources incontournables.
Enfin, hélas, il faut noter que les archives sont plus souvent lacunaires qu’en France, y compris pour des sources relativement tardives (début XXe s.). Ce constat ne doit pas décourager à entreprendre des recherches: au contraire, on se réjouira d’autant plus de découvrir des documents alternatifs à l’état-civil et dont on ignorait l’existence!
Des documents à comprendre et interpréter
La langue et l’écriture peuvent être un obstacle aux chercheurs non initiés: selon les régions et les époques, on devra exploiter des sources en polonais, mais aussi en russe (écriture cyrillique), en allemand (écriture gothique) ou en latin. Et même lorsqu’on tombe sur un acte en latin, on s’aperçoit que c’est souvent un latin spécifique à la Pologne, calqué sur les expressions polonaises: il conviendra, pour éviter des contre-sens, de traduire les actes en deux temps en passant par le polonais. Notons, par ailleurs, que la maitrise du polonais est souvent un atout indispensable quand il s’agit de contacter les administrations et surtout les paroisses, qui ignorent fréquemment les courriers en anglais ou ont du mal à décoder les traductions de Google...
Outre la langue, la connaissance de la culture, de l’histoire et du fonctionnement de la société polonaise sont nécessaires pour bien comprendre la place sociale de son ancêtre, situer un événement dans son contexte, comprendre à quoi un document fait référence. Ce sont des outils importants pour approfondir le mode de vie de ses ancêtres, comprendre leur rôle dans tel ou tel événement, ou les situer dans l’échelle sociale.
L’importance de l’onomastique
Une autre spécificité de la généalogie polonaise est l’importance de bien maitriser l’onomastique (c.a.d. l’étude des noms propres).
D’une part, le chercheur fait face à une grande complexité géographique: si en France on considère comme lieu de naissance ou de décès la commune, en Pologne le moindre hameau de quelques maisons pourra être cité dans un acte. Pour peu que le lieu ait été déformé par un officier d’état-civil français, la tâche sera encore plus difficile! Une bonne connaissance des règles d’orthographe et une bonne méthodologie de recherche toponymique sont souvent incontournables pour retrouver un lieu ou un acte et éviter de rester dans une impasse.
D’autre part, le chercheur doit comprendre et intégrer dans ses recherches l’instabilité des noms de famille et même leur absence dans de nombreux documents pas si anciens (on trouve beaucoup d’actes sans nom de famille jusqu’au début du XIXe s. et des noms de familles très différents coexistant pour une même famille jusqu’au début du XXe s.). Si le chercheur est habitué aux méthodes de recherche relativement simples qui s’appliquent à la généalogie française, il risque d’être déstabilisé par la complexité des actes polonais. Il devra faire preuve de beaucoup de flexibilité pour faire abstraction du nom de famille dans sa recherche et identifier un ancêtre à partir d’autres informations. Une bonne connaissance de la société polonaise des XVII—XXe s. et des indices à rechercher dans les actes est parfois indispensable pour débloquer une branche.